La loi sur l'immigration, la régularisation de 6000 sans papiers de la part du ministère de l'Intérieur, fait de l'été politique français le point de retour de l'actualité et de la controverse entre le ministre de l'Intérieur et les associations : Nicolas Sarkozy a jugé qu'«un certain nombre d'associations font assaut de démagogie et d'irresponsabilité sur ce dossier» (Lefigaros.fr). Il y a quelques jours, un couple d'ukrainien était expulsé, avec un enfant de 3 ans, né en France, scolarisé depuis un an. Démagogie? Le Réseau éducation sans frontières (RESF) déclarait que le destin de cette famille illustrait "l'avenir que le gouvernement a tracé pour les sans-papiers". Pour le Réseau, "les rafles, ça suffit"! A ce propos, le ministre de l'Intérieur a réagi vertement : "J'entends un certain nombre de gens qui disent 'c'est de la déportation', c'est très choquant à l'endroit de tous ceux qui ont connu des membres de leur famille qui ont été déportés" (Lemonde.fr).
De tout évidence, le ministre sait utiliser une vérité pour masquer les effets de sa loi sur les sans papiers. On pourrait croire, aussi, qu'il n'est pas possible d'établir de liens entre la loi sur l'immigration choisie et la circulaire n°173-42, celle de la rafle du Vél d'Hiv? Car, si la loi n'a pas vocation à être réactionnaire, ce qui serait paradoxal, la loi est d'essence tournée vers l'avenir, mais à être constituée par et pour tous les citoyens, alors, on est tenté de dire que la loi ne vaut rien, et qu'on l'utilise pour identifier une cause, une identification de personnes plutôt qu'un rassemblement commun, de tous, pour une limite nouvelle, celle de la loi. Or, la prospection faite de la loi actuelle est exclusivement tournée vers le passé ( "Les régularisations automatiques accordées aux étrangers entrés clandestinement en France depuis plus de dix ans sont supprimées"), comme pour mieux se justifier ici-maintenant, se faire un passé clean, comme si elle souhaitait refonder uniquement une 'certaine' identité, à rebours, de la France, ainsi l'explique le ministre : "Il ne suffit pas de rentrer en France pour avoir le droit d'être en France. Cela voudrait dire que la France est le seul pays au monde qui n'aurait pas le droit de décider de qui a le droit d'être sur son territoire". Faut-il revisiter toutes les entrées sur le sol français depuis des lustres parce que la loi prévoit qu'à l'avenir tout sera différent pour entrer et rester en France? Il ne peut pas y avoir de France d'après sans certitude que la loi nous protège maintenant, et lorqu'elle ne nous protège pas, qu'elle remet en question ses propres fondements, elle ne nous réuni pas, notre identitée politique ne se réalise plus, et c'est l'histoire, la pire, qui bégaie, comme celle de la circulaire n°173-42 :
Paris, le 13 Juillet 1942
Circulaire n° 173-42
À Messieurs les Commissaires Divisionnaires, Commissaires de Voie Publique et des Circonscriptions de Banlieue.
[...] Les Autorités Occupantes ont décidé l’arrestation et le rassemblement d’un certain nombre de juifs étrangers. La mesure dont il s’agit ne concerne que les juifs des nationalités suivantes :
Allemands, Autrichiens, Polonais, Tchécoslovaques, Russes (réfugiés ou soviétiques, c’est-à-dire « blancs » ou « rouges »), Apatrides, c’est-à-dire de nationalité indéterminée.
Elle concerne tous les juifs des nationalités ci-dessus, quel que soit leur sexe, pourvu qu’ils soient âgés de 16 à 60 ans (les femmes de 16 à 55 ans). Les enfants de moins de 16 ans seront emmenés en même temps que les parents [souligné par nous].Vous constituerez des équipes d’arrestation. Chaque équipe sera composée d’un gardien en tenue et d’un gardien en civil ou d’un inspecteur des Renseignements généraux ou de la Police Judiciaire.
[...] Les équipes chargées des arrestations devront procéder avec le plus de rapidité possible, sans paroles inutiles et sans commentaires. En outre, au moment de l’arrestation, le bien-fondé ou le mal-fondé de celle-ci n’a pas à être discuté. C’est vous qui serez responsables des arrestations et examinerez les cas litigieux qui devront vous être signalés [souligné par nous].
[...] Des autobus, dont le nombre est indiqué plus loin, seront mis à votre disposition. Lorsque vous aurez un contingent suffisant pour remplir un autobus, vous dirigerez :
– sur le Camp de Drancy : les individus ou familles n’ayant pas d’enfants de moins de 16 ans ;
– sur le vélodrome d’Hiver : les autres.
Vous dirigerez alors les autobus restants sur le vélodrome d’Hiver.
[...] Enfin, vous conserverez, pour être exécutées ultérieurement, les fiches des personnes momentanément absentes lors de la première tentative d’arrestation.
Pour que ma Direction soit informée de la marche des opérations, vous tiendrez au fur et à mesure, à votre Bureau, une comptabilité conforme au classement ci-dessus. Des appels généraux vous seront fréquemment adressés pour la communication de ces renseignements. Parmi les personnes arrêtées, vous distinguerez le nombre de celles qui sont conduites à Drancy de celles qui sont conduites au vélodrome d’Hiver.
Pour faciliter le contrôle, vous ferez porter au verso de la fiche, par un de vos secrétaires, la mention « Drancy » ou « vélodrome d’Hiver » selon le cas.
Les services détachant les effectifs ci-dessous indiqués devront prévoir l’encadrement normal, les chiffres donnés n’indiquant que le nombre des gardiens. Les gradés n’interviendront pas dans les arrestations, mais seront employés selon vos instructions au contrôle et à la surveillance nécessaires.
Total des équipes : 1472 ; total des gardiens en civil ou en tenue : 1568. En outre : 220 Inspecteurs des Renseignements Généraux et 250 Inspecteurs de la Police Judiciaire.
Garde des Centres primaires de rassemblements et accompagnements des autobus. Total des gardes et gardiens : 430.
Circonscriptions de banlieue
[... ] Totaux : 60 gendarmes, 20 gardiens en tenue et 53 gardiens en civil.
La Compagnie du Métropolitain, réseau de surface, enverra directement les 16 et 17 juillet à 5 heures aux Centraux d’Arrondissements où ils resteront à votre disposition jusqu’à fin de service : 44 autobus.
En outre, à la Préfecture de Police (caserne de la Cité) : 6 autobus.
[...] La Direction des Services Techniques tiendra à la disposition de l’État-Major de ma Direction, au garage, à partir du 16 juillet à 8 heures : 10 grands cars.
[...] De plus, de 6 heures à 18 heures, les 16 et 17 juillet, un motocycliste sera mis à la disposition de chacun des IXe, Xe, XIe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements.
La garde du vélodrome d’Hiver sera assurée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, par la Gendarmerie de la région parisienne et sous sa responsabilité.
Tableau récapitulatif des fiches d’arrestations : Paris : 25 334 ; banlieue : 2 057 ; total : 27 391.
Le Directeur de la Police municipale, Hennequin.